Quelques détails sur les arcs de personnage
Suite à des questions par mail, je vais détailler un peu plus toutes ces questions d’arcs de personnage. Le principe est assez simple est vient à la base du monde des médias plus traditionnels fonctionnant avec une logique d’épisode. Un arc y est une histoire, généralement moins importante que l’histoire principale (lorsque l’arc en question n’est pas directement la trame de l’ensemble de la série), qui court sur plusieurs épisodes et s’y développe de manière progressive. Ainsi, par exemple, on peut opposer une série où tous les épisodes sont interchangeables et basés sur un même modèle et une basée quasi uniquement sur des arcs, comme le sont presque par essence les mélodrames et les feuilletons de type « soap-opera ».
De la même façon, on peut avoir une campagne de JdR qui soit une succession de one-shots indépendants, par exemple en faisant jouer autant de scénarios du commerce, dont le trait d’union soit uniquement les personnages des joueurs et/ou le monde servant de cadre. Par opposition, on peut en imaginer une autre qui soit des successions de petites séries de scénarios reliés entre-eux – chaque série étant indépendante ou presque des autres -, voire une vaste campagne avec un début, une fin, une progression et où tout est déjà planifié. Mais quoi qu’il en soit, les joueurs vont naturellement créer des liens, quitte à ce qu’ils soient très ténus au début, et, à moins qu’il n’y ait aucun enjeu ou que les parties soient catastrophiques, il y a peu de chance que les personnages n’évoluent pas au fur et à mesure. Pour faire une comparaison rapide, on ne peut pas réellement dire que le personnage d’Anakin Skywalker soit le même entre la course de Pod de La Menace fantôme et l’épilogue de La Revanche des siths.
Or, justement, on a au moins deux façons de gérer ces changements. Par défaut, on peut tout simplement ne s’occuper que du scénario (au sens rôliste d’intrigue) et laisser les événements affecter les personnages directement, en voyant bien les impact au moment-donné. C’est clairement ce qui se passe autour de la plupart des tables de JdR et le plus facile pour tout le monde. Une autre approche est de se dire que ce qui compte, ce n’est pas seulement la façon dont l’histoire évolue, mais également la façon dont les personnages évoluent, et donc de « travailler » sur ces changements. En effet, il est possible de les planifier exactement comme des étapes d’un scénario, avec les mêmes avantages et les mêmes défauts, notamment sur toutes les problématiques liées à la liberté laissée aux joueurs. On crée alors une sous-trame sur plusieurs épisodes qui va permettre au personnage d’évoluer, dans un sens ou dans l’autre. C’est exactement cela un arc de personnage. Et c’est encore mieux s’il se mêle à d’autres arcs et à la trame principale de façon à ce que les uns soient inséparables des autres et, au final, de la campagne elle-même.
Sans vouloir trop compliquer ici, à noter toutefois qu’un personnage peut suivre plusieurs sous-arcs, qu’un arc peut impliquer plusieurs personnages, et qu’on peut très bien avoir un personnage avec un arc négatif ou qui ne va pas jusqu’au bout. En général cela ne fait que de meilleurs anti-héros ou personnages tragiques.
La façon la plus simple de créer un arc de personnage implique d’identifier trois éléments suivants :
– sa condition initiale, c-a-d ce qui définit le personnage au départ, par exemple un jeune garçon de ferme fougueux de Tatooine dont le seul rêve est de devenir pilote;
– sa condition finale, c-a-d ce qu’il est devenu une fois tous les événements passés, comme un puissant chevalier jedi capable de vaincre les plus grands dangers comme de surmonter ses passions et autres démons intérieurs;
– son « point faible », ce que Freeman appelle FLBW (sa peur, sa limitation, son blocage ou sa blessure). Toujours pour le même exemple, comme son impulsivité et donc sa facilité à succomber aux attraits du côté obscur, mais aussi les liens ambigus qui le lient à son père.
Comme expliqué précédemment, il « suffit » d’écrire un chemin permettant au personnage d’être confronté à son point faible, puis de le surpasser, pour passer progressivement de la condition initiale à la condition finale. En liant les diverses étapes aux contexte général de la campagne et en faisant bien attention à ne pas être trop dirigiste sur ce qui compose cet arc (souvenez vous, on peut très bien ne pas finir son arc, bifurquer ou en suivre un autre et devenir d’autant plus intéressant), on obtient rapidement quelque chose qui devrait impliquer beaucoup plus le personnage et faire plaisir à son joueur.
Parmi les types d’arcs les plus courants (et donc les moins originaux, mais pas les moins efficaces), on a :
– le voyage initiatique, du jeune homme qui devient adulte (en général, adulte et courageux/responsable) façon Luke Skywalker,
– le combat contre la culpabilité et la rédemption façon Dark Vador,
– le malotru égoïste et narcissique qui devient membre d’un groupe et capable d’aider les autres façon Han Solo,
– la perte de préjugés façon Princesse Leia et dans une certaine mesure Yoda,
– la découverte d’à quel point on peut être aimé façon Han Solo,
– globalement, l’acquisition par l’épreuve d’une certaine morale et/ou éthique,
– …
Voilà, en espérant que cela soit plus clair. C’est pas forcément gagné cela dit.
Note janvier 2018 : les outils présentés dans cet article sont exactement ceux mis en application dans Tenga, que ce soit avec les notions de Karma et d’Ambition, mais également avec celle de Destinée et le lien entre celles des individus et celle du groupe.
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